Le permis de feu : dans quelles circonstances ? Comment le mettre en œuvre ?

Permis de feu édition 2023

Quels sont les textes réglementaires qui peuvent m’imposer le recours à un permis de feu dans le cadre de travaux ?

Le permis de feu est expressément exigé par la réglementation, tant pour les travaux réalisés par des entreprises extérieures que pour ceux réalisés en interne, dans les cas suivants :

 

  • à Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, pour tous les travaux de soudage, de découpage par chalumeau, arc électrique ou comportant l'usage de flamme qui ne sont pas effectués dans un poste permanent de travail, en vertu de l’ordonnance n° 70-15134 du 16 février 1970 fixant des mesures de sécurité à observer lors des opérations de soudure ou de découpage par appareils thermiques ;
  • la réalisation de travaux avec « apport de feu » dans certaines installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), pour lesquelles le recours à un permis de feu est exigé soit par un arrêté préfectoral d’autorisation d’exploiter (installations soumises à autorisation), soit par un arrêté de prescriptions générales (installations soumises à enregistrement ou à déclaration) ;
  • la réalisation de travaux par points chauds dans les immeubles de grande hauteur – IGH – (article GH 65 de l’arrêté du 30 décembre 2011 portant règlement de sécurité pour la construction des IGH et leur protection contre les risques d'incendie et de panique).

Il convient également de rappeler l’article 1er de l’arrêté du 19 mars 1993 fixant, en application de l’article R.4512-7 du Code du travail, la liste des travaux dangereux pour lesquels il est établi par écrit un plan de prévention :

 

  « Un plan de prévention est établi par (…) pour les travaux dangereux ci-après énumérés : (…) 21. Travaux de soudage oxyacétylénique exigeant le recours à un permis de feu. »

Tel qu’il est rédigé, cet arrêté ne prévoit pas que les travaux de soudage oxyacétylénique sont obligatoirement soumis à permis de feu. En revanche, il identifie, parmi les travaux de soudage oxyacétylénique, ceux qui exigent le recours à un permis de feu, pour les ranger dans les travaux dangereux soumis à plan de prévention écrit (lorsque ces travaux sont exécutés par une entreprise extérieure). Ainsi, il existerait des travaux de soudage oxyacétylénique soumis à permis de feu et d’autres qui ne le sont pas. Cette distinction s’opère par l’employeur, au cas par cas, dans le cadre de l’évaluation des risques inhérents aux travaux par points chauds que celui-ci doit mettre en place en application de l’article L.4121-3 du Code du travail.

 

S’agissant des établissements recevant du public (ERP)l’article GN 13 de l’arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les ERP interdit la réalisation de travaux dangereux en présence du public. La Commission centrale de sécurité, commentant ces dispositions, rappelle que certains arrêtés préfectoraux peuvent imposer le recours au permis de feu lors de travaux par points chauds et précise les mesures de prévention qui peuvent être mises en œuvre en l’absence d’obligation formelle de permis de feu (autorisation de travail, inspection des lieux de travail, moyens de secours, écrans de protection).

Plus généralement et en dehors de ces strictes obligations réglementaires, il est fortement conseillé pour l’employeur d’établir un permis de feu pour chaque travail générant des points chauds (soudage, coupage, meulage, etc.) exécuté par le personnel de son entreprise ou celui d’une entreprise extérieure. Le permis de feu contribue à l’analyse des risques liés à l’opération et la prévention des risques d'incendie ou d'explosion. Il est également possible que le permis de feu soit exigé pour certains travaux mis en œuvre dans tout type de bâtiment au titre du contrat d’assurance du bâtiment en cause. Il convient donc dans chaque cas de vérifier les stipulations contractuelles qui peuvent être contenues dans les polices d’assurance des bâtiments dans lesquels sont réalisés les travaux.

Dans le cadre de travaux réalisés dans un réseau d’agences bancaires, est-il possible de confier la rédaction et la signature des permis de feu en tant que donneur d’ordre aux agents de sécurité alors qu’ils sont prestataires extérieurs ?

Dans le cadre du permis de feu, le donneur d’ordre est le chef d’entreprise donnant l’ordre de travail par points chauds (ici, la banque) ou son représentant. Si aucun texte n’impose que ce représentant soit un membre du personnel de l’entreprise utilisatrice, il est absolument indispensable qu’il possède les fonctions et les connaissances lui permettant de valider l’ensemble de la démarche du permis de feu et qu’il connaisse dans le détail les risques inhérents à l’entreprise dans laquelle les travaux sont réalisés. Sous réserve du respect de ces conditions, il pourrait s’agir d’un personnel d’un prestataire extérieur.

 

Réglementairement, dans le cas particulier des immeubles de grande hauteur, l’article GH3 du règlement de sécurité impose que le permis de feu soit signé « par le maître d’ouvrage ou son représentant qualifié, un représentant du service de sécurité incendie (SSIAP 2 minimum) et par l’opérateur. » 

 

S’agissant des établissements recevant du public, tels que les banques, la Commission centrale de sécurité a apporté le commentaire suivant (sans valeur juridique contraignante, mais considéré comme une « bonne pratique »), à propos de l’article GN 13 du règlement de sécurité qui n’impose pas expressément le permis de feu lors de travaux par point chaud mais interdit les travaux dangereux en présence de public :

 

« Afin de diminuer les risques de sinistre qui trouvent leur origine dans les travaux par point chaud, certains arrêtés préfectoraux imposent la formalité du permis de feu pour l’exécution de ceux-ci.

 

En l’absence d’un tel arrêté, les exploitants (…) peuvent prendre les dispositions suivantes lorsque les travaux par point chaud auxquels ils procèdent n’entraînent pas de demande d’autorisation de travaux auprès de l’autorité administrative (travaux de durée supérieure à 24 heures ou travaux risquant de perturber l’évacuation des personnes) :

 

  • Élaboration d’une autorisation signée conjointement par l’exploitant (ou son représentant) et les ouvriers responsables du travail, rappelant les précautions à prendre ; (…) ».

 

Ainsi, sous réserve du respect de ces prescriptions, il n’y a pas de contre-indication à ce que le permis de feu soit signé par un agent de sécurité en tant que donneur d’ordre.

Dans la pratique, il est conseillé d’inclure expressément (par exemple, dans le contrat de prestation de services et la fiche de poste de l’agent) la rédaction et la signature du permis de feu dans les missions de celui qui y procédera. En outre, quand le signataire du permis de feu est un travailleur d’une entreprise extérieure, il est préférable qu’il soit pourvu d’un mandat exprès délivré par le chef de l’entreprise utilisatrice.

 

Juridiquement, la signature du permis de feu engage le signataire à respecter et faire respecter le cas échéant les mesures de sécurité définies dans le permis de feu. Cependant, le transfert de la prestation d’analyse de risque et de signature du permis de feu à un prestataire extérieur n’exonère pas la banque de sa responsabilité en cas d’incident lié à l’opération de travaux par points chauds, responsabilité à laquelle pourra s’ajouter celle de l’entreprise signataire du permis de feu et/ou de l’entreprise réalisant les travaux en fonction des circonstances.

Je travaille actuellement sur un chantier où interviennent des travailleurs non francophones. Dans ce contexte, est-il possible de rédiger le permis de feu uniquement en anglais ?

Il n’existe pas de disposition réglementaire spécifique au permis de feu imposant la langue de rédaction de celui-ci. Cette question n’est d’ailleurs pas non plus abordée dans la brochure « Le Permis de feu » ED 6030 de l’INRS de Août 2019 (document qui n’est pas réglementaire mais s’assimile à un document de référence en matière de bonnes pratiques et règles de l’art).

 

En conséquence, il convient de se référer aux dispositions générales de l’article L. 1321-6 du Code du travail qui prévoient :

 

« Le règlement intérieur est rédigé en français. Il peut être accompagné de traductions en une ou plusieurs langues étrangères. Il en va de même pour tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail. Ces dispositions ne sont pas applicables aux documents reçus de l'étranger ou destinés à des étrangers. »

 

Précisément, le permis de feu fait partie des documents comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail pour les acteurs intervenants dans le permis de feu (à savoir le chef d’établissement ou son représentant, le responsable des travaux et le chargé de sécurité chez l’entreprise utilisatrice et le responsable d’intervention et l’opérateur chez l’entreprise intervenante).

 

Dans ce cadre, dès lors qu’au moins un de ces salariés est français, il n’est pas possible que le permis de feu soit rédigé uniquement en anglais au regard des dispositions de l’article L. 1321-6 du Code du travail. Et dans la mesure où ce document doit être compris de l’ensemble des personnes qui le signent et l’appliquent, il n’apparaît pas non plus possible qu’il soit rédigé uniquement en français.

 

Dans une telle hypothèse, le permis de feu doit donc être rédigé dans les deux langues.

Une entreprise réalisant des travaux par point chaud chez un client peut-elle s’exonérer de sa responsabilité en cas d’absence de permis de feu ou de permis de feu insuffisant vis-à-vis des mesures de prévention ?

Si réglementairement, un permis de feu doit être rédigé dans le cadre de travaux réalisés par une entreprise extérieure (par exemple, dans le cadre de travaux de soudage oxyacétylénique imposant le recours à un permis de feu), ce sont bien le chef de l’entreprises utilisatrice et celui de l’entreprise extérieure (ou des entreprises extérieures si elles sont plusieurs) qui sont co-responsables de l’établissement du permis de feu et des mesures de sécurité qui en découlent.

Cette démarche de co-responsabilité est la même que celle qui guide l’analyse des risques dans le cadre de l’établissement du plan de prévention. Pour rappel, l’article R. 4512-6 du Code du travail prévoit :

 

« Au vu des informations et éléments recueillis au cours de l'inspection commune préalable, les chefs des entreprises utilisatrice et extérieures procèdent en commun à une analyse des risques pouvant résulter de l'interférence entre les activités, installations et matériels. Lorsque ces risques existent, les employeurs arrêtent d'un commun accord, avant le début des travaux, un plan de prévention définissant les mesures prises par chaque entreprise en vue de prévenir ces risques. »

 

La Cour de Cassation (Civ. 3ème, 14 décembre 2017, n°16-26319) a récemment rappelé ce principe de co-responsabilité. Dans cette affaire, une société a confié à une autre les travaux de démantèlement d'une tour aéro-réfrigérante dans son usine de fabrication de pâte à papier. Un incendie, causé par la chute d'escarbilles fondues consécutive à l'utilisation de chalumeaux pour couper les attaches des piliers de la tour, s’est déclaré à l'intérieur d'un bassin de traitement rempli d'éléments inflammables et a détruit le parc à bois situé à proximité. Le permis de feu établi s’était révélé insuffisant car ne prévoyant qu’un extincteur à proximité. Dans ce contexte, l’usine a assigné l’entreprise de travaux et son assureur en réparation du préjudice subi.

 

La Cour d’appel de Grenoble avait rejeté cette demande en retenant que la propagation de l’incendie était due à l'absence de mise en sécurité adaptée aux risques d’incendie, qui étaient connus et à la charge de l’exploitant de l’usine.

Cette décision a été cassée par la Cour de cassation, qui, sur le fondement de la responsabilité civile contractuelle (article 1231-1 du Code civil), a considéré :

 

  • que le départ de feu était imputable à l’entreprise réalisant les travaux qui, en utilisant des chalumeaux, a projeté des escarbilles au-dessus du bassin rempli d’élément inflammables ;
  • que pesait sur cette même entreprise une obligation de sécurité consistant à prendre elle-même, ou à faire prendre par le maître de l'ouvrage, les mesures de protection appropriées à l'exécution de travaux de découpe au chalumeau. Elle précise que la connaissance par le maître de l'ouvrage des modalités de l’intervention de l’entreprise extérieure à travers le plan d’intervention des risques n’exonère pas cette dernière de son obligation de sécurité en matière de prévention du risque incendie.

 

Ainsi, il apparaît impossible pour une entreprise extérieure réalisant des travaux par point chaud de s’exonérer totalement de sa responsabilité en cas d’absence ou d’insuffisance du permis de feu, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre des moyens de prévention et de lutte contre l’incendie. Le manque de mesures de prévention et de lutte contre l’incendie ne peut pas être seulement reproché au maître de l’ouvrage.

 

Les réponses apportées sont à jour de la réglementation en date du 17 juillet 2024.

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