Nouvelles énergies et mobilité : les risques associés
L’univers de la mobilité est en pleine transformation, sous la pression sociétale et réglementaire, les usages et les produits du secteur évoluent à vitesse grand V.
L’univers de la mobilité est en pleine transformation, sous la pression sociétale et réglementaire, les usages de tout à chacun et les produits proposés par les industriels du secteur évoluent à vitesse grand V.
L’arrivée des nouvelles énergies dites « vertes » sur ce marché comme un nouveau standard pose des questions de sécurité et place la prévention de ces « nouveaux » risques au cœur des préoccupations des industriels, des exploitants, des usagers/utilisateurs.
Quels sont les risques associés aux batteries et à l’hydrogène dans la mobilité ? Intervient-on de la même façon face à ces différents incendies ? Quelles mesures de prévention peut-on mettre en place ?
1 - Contexte réglementaire
2008, engagement de l’Union européenne (UE) pour l’abandon progressif des énergies fossiles au profit des énergies renouvelables.
L’accord de Paris de 2015 : objectif de neutralité carbone pour les pays signataires.
2015 (17/08) Loi transition énergétique pour la croissance verte : bonus écologique, verdissement des flottes de l’état, Zone de circulation à 30 Km/h.
2019 Directive (UE) 2019/1161 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 pour la promotion de véhicules de transport routier propres et économes en énergie.
2019 (24/12) Loi d’Orientation sur les Mobilités (LOM) organisant la fin des ventes de voitures à énergies fossiles carbonées pour 2040, le déploiement de la recharge électrique, le développement des zones à faibles émissions, le verdissement des flottes...
- Juin 2022 loi européenne arrêt de la vente des voitures thermiques en 2035. Objectif de réduction de CO2 d'ici à 2030, de 55 % par rapport à 1990, puis de viser la neutralité climatique en 2050
2- Les batteries « lithium »
Depuis 2010, la part de véhicules hybrides ou électriques ne fait qu’augmenter et cette tendance va encore s’accélérer car les constructeurs abandonnent les motorisations carbonées pour répondre aux objectifs européens visant à interdire la vente de ces véhicules d’ici 2035.
Il y a donc de plus en plus de batteries utilisées avec des technologies de fonctionnement différentes et développées pour une grande variété d’applications.
a - Les technologies de batteries
ll existe deux “catégories” de batterie Lithium :
- les batteries Lithium-ion,
- les batteries Lithium métal.
Les batteries Li-ion sont très largement majoritaires sur le marché des véhicules électriques.
- d’une anode en graphite - une cathode en oxyde de métal
- d’un électrolyte composé d’un sel de lithium dans un solvant (ion Li)
Il existe donc différents types de batterie Li-ion selon les métaux utilisés pour la cathode qui ont des caractéristiques différentes, notamment :
Les LFP (lithium- fer-phosphate)
Il s’agit du modèle historique de batterie pour les véhicules électriques, utilisé depuis des dizaines d’années. Ces batteries proposent une densité énergétique assez moyenne, en revanche le mélange utilisé étant très stable, le niveau de sécurité est élevé.
Les NMC (Nickel Manganèse Cobalt) et NCA (nickel-cobalt-aluminium)
Il s’agit de technologies plus récentes, utilisées massivement ces dernières années par les constructeurs. Elles présentent une meilleure performance énergétique, mais les mélanges utilisés sont moins stables donc à priori ils sont plus propices au développement d’un emballement thermique. Le niveau de sécurité est donc moins élevé avec ces technologies.
Les batteries LMP (lithium métal polymère), moins répandues, sont des batteries contenant du lithium métallique sous forme solide. Ces batteries ont l’inconvénient majeur de devoir être maintenues à 80°C pour fonctionner. Elles sont uniquement utilisées par les véhicules de la marque Blue Solutions et donc largement minoritaire sur le marché des véhicules électriques.
La réaction du lithium métallique et de l’eau étant très violente, l’extinction est difficile.
b - Les scénarios d’incidents
Différents événements peuvent se produire au cours du cycle de vie d'une batterie, soulignant le danger des batteries lithium, entraînant des conséquences telles que :
- la fuite d'électrolyte inflammable,
- le dégazage,
- voire jusqu’à l’incendie et l’explosion en cas d'emballement thermique.
Ces événements peuvent être déclenchés par un choc mécanique, une décharge profonde, une surcharge, un court-circuit externe ou encore une hausse de la température ambiante. Il est crucial de comprendre ces risques pour minimiser le danger des batteries lithium et assurer une utilisation sécurisée.
c - L’extinction
L’extinction d’un feu de batterie aujourd’hui pose de nombreuses questions.
Stopper l’emballement thermique d’une batterie nécessite un refroidissement très important au cœur des cellules. Le noyage à l’eau de la batterie en feu est la seule technique garantissant l’extinction.
Cela implique donc d’avoir à disposition les moyens logistiques pour effectuer ce noyage : très grandes quantités d’eau et équipements nécessaires pour plonger entièrement le véhicule dans l’eau.
d - L’intervention
L’intervention sur un feu de batterie est une intervention complexe, demandant une mise en place différente des interventions sur feu de véhicule à carburation classique (diesel ou essence par exemple). Il est délicat d’intervenir car il y a un risque de dégazage, de torchère et d’effet missile lié à la montée en pression de l’électrolyte de la batterie.
Lors de l’attaque du feu, les équipiers d’intervention doivent prendre en compte une zone de danger arrière et une zone de danger avant autour du sinistre. En utilisant deux lances lors d'un feu de véhicule électrique, l’objectif est qu’une lance se concentre sur l’extinction du véhicule et l’autre lance sur le refroidissement de la batterie. Toutefois, le risque d'emballement thermique de la batterie rend cette manœuvre délicate pour l’engagement humain. Une formation batteries lithium est essentielle pour que les équipiers d'intervention puissent gérer efficacement ces situations et minimiser les risques associés.
CNPP Conseil & Formation préconisent aux équipes de seconde intervention en milieu industriel d’utiliser une lance canon pour refroidir à distance la véhicule et la batterie pour éviter la propagation et se mettre à distance d’un éventuel risque d’emballement thermique et d’effet missile de la batterie.
L’enjeu n’est pas de sauver le véhicule concerné mais bien simplement d’éviter la propagation de l’incendie à l’environnement (autres véhicules, bâtiments …).
Un feu de véhicule électrique dure également plus longtemps qu’un feu de véhicule thermique. Parfois plus de 2 heures avec de forts risques de reprises pour le premier, contre 30 minutes environ pour le second.
D’après l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD), « la probabilité d’incendie d’un véhicule électrique est nettement plus faible que pour un véhicule thermique ou pour un véhicule hybride et son potentiel calorifique est du même ordre de grandeur ».
On dénombre 25 incendies de véhicules électriques pour 100 000 véhicules, 1524 incendies pour 100 000 véhicules thermiques et 3 475 incendies pour 100 000 véhicules hybrides. (Source MunichRe)
La fréquence est donc aujourd’hui plus faible pour les véhicules électriques mais il faut rappeler qu’il s’agit d’un parc récent voir très récent pour la plupart, il faudra donc compter sur une hausse des incidents quand le parc sera plus vétuste.
Si l’on considère également qu’il n’y a pas de solutions d’extinction efficaces (en dehors du noyage intégral de la batterie dans un bassin rempli d’eau pendant plusieurs heures à plusieurs jours) il faudrait donc proposer des lieux de stationnement et de charge sécurisés permettant de reculer les temps de propagation si l’on veut accompagner le développement de la mobilité « verte ».
Les risques spécifiques durant la recharge, la gestion du stationnement des flottes de véhicules, les risques dans les parkings couverts, sont autant de sujets qui doivent faire l’objet de préconisations voir de règles spécifiques.
3 - L'hydrogène
Le déploiement de l’hydrogène s’accélère en France comme dans le monde porté par de très forts investissements dans la mobilité urbaine, la R&D… S'il existe une chaîne de valeur « historique » qui est parfaitement maîtrisée, et qui comprend 5 volets : la production, le stockage, le transport, la distribution puis enfin les usages / applications, le développement rapide d’une nouvelle chaîne de valeur pour les mobilités « grand public », avec la contrainte d’un « hydrogène vert » amène un risque, du fait de nouvelles solutions non nécessairement éprouvées.
a - Risques propres à l'hydrogène
L’utilisation de l’hydrogène comme combustible expose à des risques « classiques » relevant des atmosphères explosives (ATEX).
Les risques hydrogène sont accentués du fait des propriétés de ce gaz et des conditions d'usage :
- il est très volatile et fragilise les matériaux, le risque de fuite est très important,
- les pressions d'usage sont très hautes (400 bars et 700 bars).
Le combustible hydrogène présente des risques intrinsèques :
- Inflammabilité / explosivité très importantes
En combustion lente, la fuite enflammée d’hydrogène (en torchère) est invisible à l’œil nu et le rayonnement de la flamme est 10 fois moins important qu’une flamme d’essence d’une surface équivalente. Autrement dit il n’y a pas de ressenti de rayonnement thermique d’une flamme d’hydrogène.
En combustion vive, flammes et fumées seront produites, ainsi qu’un important dégagement de fumées.
- Fuite / dégradation des matériaux
L’hydrogène est connu pour dégrader les matériaux utilisés pour son stockage, son transport et sa distribution. On parle de fragilisation. La question n’est pas de savoir s’il y aura des fuites, mais quand elles apparaitront car elles sont inévitables.
- Risque acoustique
Le bruit généré par une fuite d’hydrogène est, du fait de la taille des molécules, de la pression et de sa vitesse d’échappement, très important. À titre d'exemple, une fuite d’hydrogène à une pression de 200 bars peut atteindre sans difficulté 140 décibels.
Il présente aussi des risques qu'on peut qualifier d'indirects qui devraient être pris en compte pour toute installation (malveillance, cybersécurité dans le cas de télé exploitation ou encore risques naturels).
b - Prévention du risque hydrogène
Il faut donc rapidement se pencher sur la prévention incendie pour les installations en s’appuyant sur des éléments de prévention / protection existants :
- Sécurité intégrée des équipements et machines : ATEX / CEM/ BT (+ ESP)
- Réalisation et maintenance des installations : il n’y a pas de définition réglementaire précise pour les installations électriques en atmosphère explosive. Il existe néanmoins des schémas normatifs de certification qui permettent une réduction conséquente du risque qui pourrait être appliqué aux installations hydrogène.
- Exploitation des installations : développer les compétences pour prévenir les risques.
Il existe également un certain nombre de bonnes pratiques qui doivent être soutenues, encouragées, développées :
- Sensibiliser les exploitants.
- Lors de la conception de nouvelles installations avoir une réflexion sur l’implantation, la ventilation, …
- Renforcer les vérifications des installations.
- Mettre l’accent sur la détection de fuites en augmentant les activités de suivi, de maintenance.
- Développer des protocoles d’intervention et de sécurisation en cas d’accident.
c - L’intervention face à un sinistre impliquant l’hydrogène
Un sinistre impliquant l’hydrogène peut être de deux natures différentes :
- une fuite non enflammée d’hydrogène,
- une fuite enflammée d’hydrogène.
CNPP Conseil & Formation, propose une méthodologie spécifique, adaptée pour les deux situations :
Fuite non enflammée
Dans la mesure où l’hydrogène est un gaz combustible, le risque majeur est la génération d’une explosion liée à la rencontre d’une poche de gaz située dans la bonne concentration avec une source d’ignition.
La méthode d’intervention reste dans la même approche que pour les autres gaz combustibles :
Définir un périmètre de sécurité adapté (en fonction de la quantité d’hydrogène potentiellement impliquée) et faire évacuer les personnes en dehors de ce périmètre.
Si possible couper la fuite d’hydrogène et les sources d’ignition à distance.
Si la coupure de la fuite est impossible, maintenir le périmètre sécurisé jusqu’à la vidange totale de la source d’hydrogène.
Ventiler les locaux pour évacuer les poches de gaz résiduelles. Attention à ce que les moyens de ventilation ne soit pas une source d’ignition (exemple : une extraction mécanique qui ne serait pas conforme à la norme ATEX pour l’hydrogène), à défaut utiliser des moyens de ventilation naturelle.
Si du personnel d’intervention doit être engagé pour réaliser des actions de coupures de fuites ou d’ouverture de moyens de ventilation par exemple, engager le minimum de personnel dans la zone à risque et les munir d’équipement de détection gaz individuelle portatif H2 afin de détecter toute poche de gaz en amont afin de pouvoir se replier. Enfin il est indispensable que l’ensemble de leurs équipements soient conformes ATEX pour l’hydrogène (détecteur, radio, tenue, etc.).
- Avant la réintégration de la zone concernée par la fuite d’hydrogène, il sera nécessaire d’engager du personnel avec des appareils de mesures de gaz H2 pour s’assurer qu’il n’y a plus aucun risque pour la reprise d’activité. Cet engagement de personnel devra se faire dans les mêmes conditions qu’indiquées au point précédent.
Fuite enflammée
Ici la méthode d’intervention sera contrainte par le fait que la flamme d’hydrogène est invisible à l’œil nu, n’émet pas de fumée et le rayonnement thermique est imperceptible.
Repérer la zone de danger, en utilisant une caméra thermique ou un extincteur à poudre pour « révéler » la flamme. Toutefois avec ces moyens la caractérisation de la zone de danger n’est que partielle, il faut donc que les intervenants en aient bien conscience et prennent une marge de sécurité dans les actions qu’ils entreprennent (fermeture d’une vanne par exemple). On peut même utiliser ces 2 moyens de façon complémentaires pour bien analyser la zone de danger (lors du cas d’une micro-fuite enflammée par exemple).
Positionner l’équipe d’intervention à distance de sécurité en protection derrière le véhicule d’intervention ou d’un bâtiment par exemple). L’objectif est de limiter les conséquences d’une explosion de véhicule sur l’équipe d’intervention pendant son temps de préparation. Il est important de noter que le réservoir d’hydrogène dans le véhicule est muni d’un dispositif de sécurité qui, avec la montée en pression du réservoir, libère intégralement l’hydrogène contenu dans celui-ci pour éviter l’explosion.
Engagement de 5 personnes en tenue de feu complète avec protection respiratoire : - Un binôme avec une première lance à eau (LDV 1 sur le schéma ci-après) qui se concentrera exclusivement sur le refroidissement du réservoir contenant de l’hydrogène.
- Un binôme avec une seconde lance à eau (LDV 2 sur le schéma ci-après) qui réalisera l’extinction du véhicule.
- Le chef de l’intervention qui, muni d’une caméra thermique, dirigera l’engagement de ses 2 binômes en engageant l’approche par l’avant du véhicule, et en veillant qu’aucun intervenant ne passe par l’arrière du véhicule. En effet, c’est vers l’arrière du véhicule que le dispositif de sécurité de surpression du réservoir, relargue le gaz combustible.
Pour conclure la prévention des risques lors de la fabrication, le transport, la distribution et l’utilisation de ces nouvelles énergies est primordiale pour en faire des énergies durables mais surtout pérennes en termes de sécurité.
Les équipes CNPP travaillent sur ces risques depuis plusieurs années pour pouvoir apporter des réponses concrètes en termes d’impact, améliorer la sécurité des biens et des personnes, réaliser des missions d’accompagnement auprès des entreprises concernées et dispenser une formation incendie adéquate aux équipes d’intervention.