EPI / ESI : missions ? formation ? effectif ? collaboration avec les services de secours ?
Les réponses apportées sont à jour de la réglementation en date du 18 juillet 2024.
À quoi correspondent les notions de première et seconde intervention ? Quels doivent être le nombre d’équipiers et la périodicité des formations associées ?
Les notions d’équipiers de première intervention (EPI) et d’équipiers de seconde intervention (ESI) ne sont pas prévues par la réglementation mais par la pratique de la sécurité incendie et notamment le référentiel APSAD R6 « Maîtrise du risque incendie et du risque industriel – Règle d'organisation (Édition de janvier 2019)». Sans valeur réglementaire ce référentiel peut être imposé dans le cadre de l’assurance.
Missions de l’équipe de première intervention
Le référentiel APSAD R6 donne à la première intervention pour mission :
- de donner l’alarme pour déclencher les secours intérieurs et prévenir le poste de surveillance (qui alertera les secours extérieurs) ;
- d’intervenir immédiatement dans la zone de travail, avec les moyens disponibles sur place (avec les extincteurs et les RIA).
Les compétences attendues, le programme de formation et la fréquence de recyclage des EPI sont définis à l’annexe 5 du référentiel.
Missions de l’équipe de seconde intervention
De façon générale, la seconde intervention correspond à toutes les actions de sauvetage, d’extinction, de protection qui sont menées avec des moyens mutualisés et non plus avec les moyens humains et matériels présents à proximité immédiate. Les ESI sont donc les personnes désignées et formées à la seconde intervention. Le §1.3 du référentiel propose la définition suivante d’un ESI : « Personne formée régulièrement au maniement de tous les moyens d’intervention contre l’incendie de l’établissement. »
L’effectif, les missions et l’équipement des ESI sont définis en fonction des risques et des objectifs de la seconde intervention déterminés par l’exploitant.
Les compétences attendues, le programme de formation et la fréquence de recyclage des ESI sont définis à l’annexe 5 du référentiel.
Réglementation nationale et lutte contre le feu
Les obligations de l’employeur en matière de prévention et de lutte contre l’incendie issues du Code du travail correspondent à la première intervention (articles R. 4227-28 à R. 4227-39 : manipulation des extincteurs et le cas échéant des autres moyens d’extinction disponibles sur place, alarme sonore, consigne de sécurité incendie).
Ainsi, réglementairement en ce qui concerne la première intervention, il y a lieu de se référer aux règles de formation en matière de manipulation des extincteurs : ensemble du personnel et périodicité de six mois, incluant les remarques ci-dessus en termes de tolérances.
La seconde intervention n’est pas imposée par le Code du travail. La réglementation nationale des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ne traite pas des ESI. Cependant, la mise en place et la formation des ESI peut être imposée au cas par cas dans le cadre de l’arrêté préfectoral d’autorisation d’exploiter du site ou par le biais d’un arrêté préfectoral de prescriptions complémentaires.
La taille des équipes d’EPI et ESI et leur formation
Le référentiel APSAD R6 définit les pratiques suivantes en termes de constitution des équipes de première et seconde interventions et de périodicité de formation :
Nombre d’EPI : « Les équipiers de première intervention sont choisis en tenant compte des séquences de travail et de la configuration des locaux. Ils sont regroupés par zone géographique et par séquence de travail, en équipes constituées et désignées sur les panneaux de consignes et le registre de sécurité.
L’effectif est défini afin de répondre simultanément aux deux critères suivants :
- leur répartition géographique est telle qu'il soit possible de réunir en tous points d'une zone un effectif minimal de deux personnes en moins d'une minute ;
- au moins un employé sur dix par secteur (par secteur il faut comprendre une entité géographique cohérente ‐ un atelier, un étage, une cellule de stockage, etc.).
En concertation avec l'assureur et en fonction du risque, l'effectif peut être augmenté, en particulier pour les petites entreprises. »
Nombre d’ESI : « Les équipiers de seconde intervention sont choisis en tenant compte de la nature des risques, des séquences de travail et de la configuration des locaux. Ils sont regroupés en équipes constituées et désignées sur les consignes et le registre de sécurité. »
L'effectif de base est de cinq équipiers (deux binômes d’intervenants et un contrôleur) mais il doit être adapté en fonction des risques, des missions et des moyens à mettre en œuvre.
En ce qui concerne la périodicité de la formation, le recyclage consiste à organiser des séances d’entraînement pratique en situations (avec des exercices sur feux à combustibles réels), à minima tous les ans.
Peut-on obliger un salarié à devenir équipier de première ou de seconde intervention ?
Au moment de l’embauche, la fonction d’EPI ou d’ESI peut être intégrée au contrat de travail ou à la fiche de poste, ce qui la rend dès lors obligatoire pour le salarié.
Imposer une fonction d’EPI ou d’ESI au salarié au cours de l’exécution du contrat de travail est plus délicat. En effet, la jurisprudence considère que l'employeur ne peut imposer au salarié une modification importante de son contrat de travail sans son accord. Le salarié peut donc refuser une nouvelle mission sans relation avec sa fonction ou les tâches qui découlent de son contrat. Il convient au cas par cas de vérifier si la fonction d’EPI ou d’ESI peut être considérée comme inhérente au poste de travail occupé et être ainsi imposée au salarié.
En l’absence de candidatures internes, peut-on sous-traiter les missions des EPI et des ESI auprès d’un prestataire extérieur ?
En ce qui concerne la possibilité d’externaliser les missions de première et seconde intervention, il convient d’abord de rappeler que le Code du travail impose que l’ensemble des travailleurs soient en mesure de manipuler les moyens de premier secours (ce qui correspond à la fonction d’EPI). Une éventuelle sous-traitance des missions de première intervention ne dispense donc pas l’employeur de former l’ensemble de son personnel à la manipulation des extincteurs.
Réglementairement, la sous-traitance des missions de première et de seconde intervention n’est pas interdite mais doit être extrêmement encadrée et les mesures décidées appliquées avec rigueur pour ne pas risquer la requalification de la prestation en délit de marchandage prévu à l’article L. 8231-1 du Code du travail ou de prêt illicite de main d’œuvre prévu à l’article L. 8241-1 du Code du travail.
L’article L. 8231-1 du Code du travail prévoit en effet, s’agissant du délit de marchandage :
« Le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail, est interdit. »
L’article L. 8241-1 du Code du travail énonce de son côté, s’agissant du prêt illicite de main d’œuvre :
« Toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre est interdite.
Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre :
- 1° Des dispositions du présent code relatives au travail temporaire, aux entreprises de travail à temps partagé et à l'exploitation d'une agence de mannequins lorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d'agence de mannequin ;
- 2° Des dispositions de l'article L. 222-3 du Code du sport relatives aux associations ou sociétés sportives ;
- 3° Des dispositions des articles L. 2135-7 et L. 2135-8 du présent code relatives à la mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales ou des associations d'employeurs mentionnées à l'article L. 2231-1.
Une opération de prêt de main-d'œuvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l'entreprise prêteuse ne facture à l'entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l'intéressé au titre de la mise à disposition. »
Pour ne pas que la sous-traitance des missions de première et de seconde intervention puisse être requalifiée en délit de marchandage ou de prêt de main d’œuvre illicite, la jurisprudence exige notamment :
- que les tâches confiées soient définies avec précision, habituellement rémunérées de façon forfaitaire et librement négociées avec le donneur d’ordre ;
- qu’il n’y ait pas de transfert du lien de subordination juridique des salariés du prestataire vers le donneur d’ordre. Il importe donc que l’activité des EPI ou des ESI prestataires soit encadrée par des consignes définies par leur propre employeur (éventuellement en lien avec l’entreprise utilisatrice donneuse d’ordre, qui conserve la possibilité de coordonner / contrôler les activités du prestataire). Seul le prestataire doit avoir le pouvoir de direction sur ses salariés et non l’entreprise donneuse d’ordre.
Dans ce cadre, aucune action en dehors des consignes de leur employeur ne peut être entreprise par les EPI ou les ESI prestataires, ce qui tend à réduire considérablement leur marge de manœuvre pour faire face aux incidents non prévus dans les consignes.
En ce qui concerne spécifiquement la seconde intervention, il convient de rappeler que l’un des principaux avantages associés à la présence d’une équipe de seconde intervention est sa capacité à s’adapter à la situation sur le terrain et à prendre en compte des événements imprévus, d’autant plus lorsque l’équipe est constituée de personnel de production connaissant parfaitement les installations. En externalisant cette prestation, on se prive de fait de cet avantage.
Le rôle des ESI s’arrête-t-il à l’arrivée des services de secours publics ?
La seconde intervention telle que définie au §3.4.1 du référentiel APSAD R6 est « l’intervention renforcée et de façon coordonnée, avec des moyens humains issus d’une mutualisation entre plusieurs zones de travail, des matériels d'intervention et des équipements de protection adaptés à cette montée en puissance. Elle est réalisée par des équipiers de seconde intervention. »
Cette définition n’intègre pas de limite dans le temps à l’intervention des équipiers de seconde intervention. En effet, l’arrivée des services de secours publics sur place n’interrompt pas l’intervention des ESI.
Sur un site industriel, les actions de lutte contre l’incendie sont placées sous l’autorité du commandant des opérations de secours qui peut, en accord avec le chef d’établissement (ou le Directeur des opérations internes (DOI) par exemple), décider de l’engagement des moyens du site (ESI ou autres).
Cette notion de collaboration entre l’exploitant et les services d’incendie et de secours est notamment détaillée dans la circulaire du 12 janvier 2011 relative à l'articulation entre le plan d'opération interne (POI), l'intervention des services de secours publics et la planification Orsec afin de traiter les situations d'urgence dans les installations classées, selon laquelle :
- lors d'un événement nécessitant l’intervention de moyens de secours publics, … "l’exploitant, sous l’autorité du COS qui procède du DOS, reste en charge de la gestion des moyens privés qu’il a mobilisés et de la mise en sécurité de ses installations";
- lors de l'intervention des secours publics après déclenchement du POI, …"les mesures prises par le commandant des opérations de secours sous l’autorité du directeur des opérations de secours, dans le cadre de la gestion du sinistre, le sont en concertation avec l’exploitant".
Par conséquent, après l’arrivée des sapeurs-pompiers, l’intervention des ESI peut se poursuivre. Elle fera l’objet d’une validation conjointe entre le Commandant des Opérations de Secours (sapeurs-pompiers) et le chef d’établissement (ou le DOI).
Un exemple courant est la réalisation de reconnaissance sous appareil respiratoire isolant en trinôme (binôme sapeur-pompier + ESI) pour faire bénéficier de la connaissance des locaux et des risques aux sapeurs-pompiers. La participation des ESI à la protection par l’extérieur d’équipement (utilisation de lances à eau) est également fréquemment demandée aux ESI malgré la présence des secours publics.
S’il est écrit dans le POI que l’équipe d’intervention doit intervenir avec 5 équipiers, cet effectif devient-il obligatoire ?
Pour répondre à cette question, il importe de ne pas raisonner uniquement vis-à-vis du POI.
Si on regarde uniquement le POI : celui-ci est un document interne visant à définir l’organisation d’un exploitant en cas d’événement accidentel sur son site. À ce titre, il ne fait pas l’objet d’une instruction ou d’une validation par l’administration. Ainsi les éléments inscrits (matériels, effectifs, stratégies d’intervention, délais de réalisation etc.) dans le POI ne sont pas des obligations réglementaires applicables à l’exploitant. Par conséquent, le fait de prévoir l’intervention d’une équipe de 5 équipiers dans le POI ne rend pas en soi cet effectif obligatoire.
Il est toutefois important de rappeler que le POI a pour objectif d’aider l’exploitant en cas d’accident. Dans ce contexte, l’exactitude des informations qu’il contient est importante. Il faut donc maintenir les informations du POI en cohérence avec la réalité du site.
De plus, il convient de prendre en compte le cas échéant les éléments figurant dans l’étude de dangers du site qui constitue un document opposable à l’exploitant. Dès lors que l’organisation de l’intervention avec une équipe de cinq personnes a été identifiée comme une mesure de maîtrise des risques (MMR) pour un phénomène dangereux décrit dans l’étude de dangers de l’installation, alors en tant que MMR, cette organisation présente un caractère obligatoire et doit être conservée telle quelle.
Enfin, à partir du moment où l’effectif de l’équipe d’intervention a été inscrit dans l’arrêté d’autorisation d’exploiter du site par le Préfet, il présente aussi pour l’exploitant un caractère obligatoire.